• George Orwell dans son roman1984,

     

    ▪ "Le but de la novlangue", écrit George Orwell dans son roman1984, "était non seulement de fournir un mode d'expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l'Angsoc [le nom qu'a donné Orwell au régime en place dans1984, NDLR.], mais de rendre impossible tout autre mode de pensée"


     
    George Orwell's 1984 (Full Original) BBC Television's live production of George Orwell's "1984"

     

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    « 1984 » de George Orwell est en tête des ventes aux Etats-Unis

    Les « faits alternatifs » défendus par la conseillère de Donald Trump ont rappelé des souvenirs de lecture à de nombreux Américains.

     

    Quel rapport y a-t-il entre George Orwell et Donald Trump ? L’avènement d’une nouvelle expression : les « faits alternatifs ». Au cours de l’émission « Meet the Press », dimanche 22 janvier, sur NBC, la conseillère de Donald Trump Kellyanne Conway a évoqué ce concept pour qualifier les propos du porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, défendant la veille une contre-vérité grossière. Il prétendait que la cérémonie d’investiture de Donald Trump, le 20 janvier, avait été « la plus grande en termes d’audience ». Le porte-parole a également déclaré que « parfois nous pouvons être en désaccord avec les faits ». Le même jour, dans son discours devant la CIA, le nouveau président des Etats-Unis proférait un autre mensonge en prétendant que la pluie s’était arrêtée pendant son discours d’investiture – alors qu’elle a continué de tomber pendant toute son allocution.

    Dans ces deux interventions, Kellyanne Conway et Sean Spicer se livrent à un exercice bien particulier : ils transforment le sens d’un mot pour que ce dernier leur donne raison en dépit du bon sens. Un « désaccord sur les faits » ou l’existence de « faits alternatifs » n’est pas possible, un fait est un fait : soit il s’est produit, soit non. Certains faits demandent un long travail de vérification, d’autres pas. En l’occurrence, que la pluie se soit invitée à l’investiture de Donald Trump et que la foule se soit présentée moins nombreuse que pour l’investiture de Barack Obama en 2009 est incontestable. Le concept de « fait alternatif » permet de contourner cette difficulté en inventant une réalité parallèle dans laquelle la vérité pourrait être une simple question d’opinion.

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    Le « novlangue » réactualisé à l’ère de Donald Trump

    Cet exercice qui consiste à transformer le sens des mots n’a pas été inventé par Kellyanne Conway. En fait, un écrivain britannique lui avait déjà donné un nom au siècle dernier. Le « novlangue » (Newspeak) est l’instrument du pouvoir omnipotent et omniprésent du roman 1984, de George Orwell, écrit en 1948 (d’où le titre, une inversion des deux chiffres de la décennie), et paru en 1949. Ce roman dystopique décrit un futur où le Parti règne sur l’Océania en réinventant une grammaire et un vocabulaire nouveaux, qui rendent impossibles la pensée critique et les idées politiques « non orthodoxes ».

    Les événements de ce week-end rappelant des souvenirs de lecture à certains, le roman de George Orwell a connu un pic de ventes aux Etats-Unis, et s’est retrouvé en tête des best-sellers surAmazon. Selon Craig Burke, le directeur de la communication de la maison d’édition Penguin, les ventes ont augmenté de 9 500 % depuis vendredi.

     

    Capture d’écran du site de e-commerce Amazon.com. Le roman de George Orwell est n°1 des ventes sur le site depuis le 25 janvier.

    Craig Burke a précisé au New York Times que les commandes s’étaient envolées nettement dimanche, peu après l’interview de Kellyanne Conway sur NBC. Les lecteurs ont fait le rapprochement, notamment sur les réseaux sociaux, entre le discours de Mme Conway et le roman, et cet engouement a « suivi son chemin de lui-même », selon Craig Burke. La maison Penguin a dûcommander 70 000 exemplaires supplémentaires pour faire face à la demande, et envisage une réimpression. Ailleurs dans le monde, les éditeurs de George Orwell constatent aussi un regain d’intérêt. « Il y a effectivement un pic de ventes », juge Jess Harrisson, éditrice chez Penguin à Londres. Elle précise cependant que 1984 est toujours un best-seller, vendu à 100 000 exemplaires au cours de l’année écoulée dans les pays anglophones.

    Car 1984 décrit de nombreux dangers de la modernité politique, y compris l’essor des technologies de surveillance incarnées par Big Brother, qui en ont fait une référence largement partagée – les auteurs de cette rubrique ne sauraient le nier. En 2013, les ventes de 1984 avaient explosé dans la foulée des révélations du lanceur d’alerte américain Edward Snowden sur les programmes de surveillance de masse d’Internet.

    Le livre, une valeur refuge

    De son côté, un journaliste du Guardian, Alex Hern, a pris les devants en conseillant aux lecteurs d’autres romans qui correspondent encore mieux selon lui à la situation présente que 1984, dont La Servante écarlate, de Margaret Atwood (1985) et Les Fils de l’homme, de P.D. James (2006).

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    D’une manière générale, les périodes de crise ou de désarroi collectif se traduisent souvent dans les ventes de livres, objets perçus comme une « valeur refuge ». Souvenons-nous que, peu après les attentats qui frappèrent Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, le récit autobiographique d’Ernest Hemingway Paris est une fête, s’était rapidement retrouvé en rupture de stock, encouragé en partie par l’injonction de Danielle, une avocate de 77 ans devenue une célébrité sur les réseaux sociaux après avoir conseillé la lecture de Hemingway aux Parisiens sur l’antenne de BFM-TV. Les éditions Gallimard avaient dû réimprimer « en urgence » un texte qui, à la différence du roman d’Orwell, était jusqu’ici plutôt confidentiel.

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