• Les animaux malades de la peste

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    Une épidémie au Fouta Djalon : variole et santé publique au XIXe siècle

     

    L’actualité (inter)nationale souligne l’importance de la santé. Au XIXe siècle, confrontée à plusieurs épidémies de variole, la confédération théocratique du Fouta Djalon conçut un dispositif de santé publique.

     

    Africa4 publie aujourd’hui le texte d'Alfa Mamadou Lélouma, historien du Fouta Djalon. Il a notamment travaillé sur les sources orales (en collaboration avec Bernard Salvaing), les manuscrits et le patrimoine bâti religieux (mosquées et sépultures) du Fouta Djalon. Son texte est dédié à la Professeure Oumou Younoussa Bah-Sow, récipiendaire du Prix de la santé publique Karel Styblo (2003) pour sa contribution inter/nationale à la lutte contre la tuberculose.

     

    Survenue en 1853, l’épidémie de variole de Saroudia marqua durablement la mémoire collective. Elle permet d’évoquer les dimensions médicales, psychologiques et politiques de la lutte contre une maladie virale.

    Des mesures de santé publique contre une maladie endémique

     

    Au XIXe siècle, la variole (ou petite vérole) est une maladie infectieuse dont les symptômes sont l’apparition de pustules sur le corps. Due à un virus d’origine animale, très contagieuse (par la salive ou la peau) et épidémique, elle tue entre 20% et 33% des malades (enfants/adultes). Le fléau se joue des frontières et des disparités sociales. En 1850, le traitement en vigueur repose sur trois piliers.

     

    Isolement : « aussitôt que quelqu’un en est atteint on le conduit dans une case éloignée de toute habitation (…) sa famille fait déposer ses aliments dans un endroit convenu, où il va les prendre » (Hecquard, 1853 [H]). La mesure combine vigilance sanitaire et accompagnement des proches.

     

    Quarantaine : tout individu ayant été exposé au virus doit « rester pendant un mois éloigné de tout commerce avec les habitants [et si] la maladie ne s’est pas déclarée, il peut rentrer, après avoir toutefois brûlé ses vêtements » (H).

     

    Incinération : « lorsque le malade succombe, la case dans laquelle il est mort est brûlée avec le cadavre » (H). La suspension de l’application du droit (inhumation selon les rites islamiques) est décidée en vertu du principe selon lequel « les situations de nécessité autorisent ce qui est interdit ».

     

    Quant à la prévention, elle consiste à administrer une forme peu virulente de la maladie à celui que l’on souhaite prémunir du mal. Apparue en Chine (XVIe s), l’inoculation (ou variolisation) gagne l’Empire Ottoman (Istanbul, 1701), le Royaume-Uni (Londres, 1713) puis le Fouta Djalon (Reade, 1861).

     

    Une épidémie meurtrière : Saroudia, 1270/1853

     

    Situé dans la province du Kantora, Saroudia se trouvait aux marges du Fouta Djalon et de la confédération du Ngabou (Gambie, Guinée-Bissau, Sénégal). Farba Ibrahima évoque le lieu dans une généalogie épique (Sow, 1968) :« Alfaa mo Alfaa Saalihu (…) o cippitii Saruuja. Nawnaare bade naati e konu makko (…) gunnguru saayaa, nawnaare bade nooti mo Saruuja ». (Alpha [Yaya], le fils d’Alfa Saliou (…) guerroya à Saroudia. La variole se glissa dans son armée, (…) vaillant et fougueux, la variole le rappela à Saroudia).

     

    La chronique est plus précise. « Quand Alpha Yaya al-Kabir (le Grand) et son armée en campagne effectuèrent un repli tactique dans une forteresse à Saroudia, une épidémie de variole se déclara. Alpha Yaya ibn Alpha Saliou en fut la première victime, qu’Allah soit satisfait de lui ! Elle décima l’armée : sur 6000 hommes, seuls 1200 survécurent. Ce fut une épreuve terrible » (Tarikhdu Fouta Djalon).

     

    Le bilan présente un taux de mortalité élevé (80%) et un nombre considérable de victimes (4800). A titre de comparaison, une estimation de 1850 attribue entre 5000 et 6000 habitants à Labé, « la seconde ville du Fouta-Djalon » (H). Lieu confiné et densément peuplé, le tata(forteresse) de Saroudia était propice au progrès fulgurant de la variole parmi les troupes.

     

    Traumatisme collectif et devoir de mémoire

     

    L’émotion dépasse le diiwal (province) de Labé et ébranle l’opinion nationale. Une partie de l’élite est concernée car les victimes appartiennent aux « bhe kaafa silaama e labbooru » et « bhe deftere e tinndoore ndaha » (« les gens du sabre et de la lance » et « ceux du livre et de l’encrier »). Le gouvernement saisit les enjeux et suspend les expéditions militaires annuelles pour une durée de sept ans.

     

    Les awlubhe (traditionnistes) – comme farba Ibrahima – rendent hommage aux disparus en assimilant leur disparition à une « mort au champ d’honneur ». Pour ce faire, les généalogies épiques remplacent la mention usuelle « piggal conndi nyaami » (emporté par une décharge de poudre) par « nawnaare bade nooti mo » (rappelé par la variole).

     

    Les (sur)noms des « héros » sont immortalisés, tels Modi Umar mo Modi Abdullayi (Laho puku/ « Noir comme l’ébène »), Sammba ngel puddi Maama Billo mo Alfaa (Taanu Baanyan), Alfa Umar Bela Mombeya, Modi Dulla Serima (Mo’ Dulla Muydinde) ou Muhammadu Bhoyi mo Cerno Algasimu Zawiya » … (Jaljallobhe Labe/ Diallo (issus) du Labé, farba Ibrahima).

     

    Parfois, comme à Dara Labé, la mémoire familiale conserve le souvenir de l’épidémie. « E nder ko Moodi Abdul Aziiz laamii kon, bhe yaadi e lanndho Labe on, Alfaa Yaya, konu ngun Sarruja. Bade tappi bhe ton ; bhe fow bhe maayi » (Bari, 2006). (Quand Modi Abdul Aziz dirigeait (Dara Labé), il rejoint l’armée d’Alfa Yaya, le prince du Labé, durant la campagne de Saroudia. Atteints de variole, ils moururent tous les deux »).

     

    Une priorité politique

    Quand elle ne tuait pas, la variole marquait à vie le visage des anciens malades. « Modi Boubakar-Biro (…) est général en chef de l’armée (…). C’est un homme de trente-huit ans, bien bâti et d’allures distinguées ; son visage gravé de la petite vérole est régulier » (Noirot, 1881).

     

    Apprenant l’existence d’un vaccin (1800, Londres), almami Oumar (m. 1870) « dit que le plus grand don qu’on pût lui faire était ce remède » (Hecquard, 1853). A défaut, l’inoculation se poursuit : « l’Almamy du Fouta-Djallon m’a assuré que tous les sujets variolisés par l’un de ses marabouts, bénéficiaient d’un succès certain » (Houillon, 1904).

     

    La confédération théocratique sut tirer parti des ressources disponibles pour protéger les citoyens en combinant vigilance collective, concours des familles, traitement préventif et législation d’exception.

     

    En Guinée, la première vaccination connue date de 1903 (Jojot, 1920) et il fallut plusieurs décennies d’action coordonnée des Etats membres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour prononcer l’éradication de la variole – en 1980.

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    Alors qu'en l'espace de cinq ans la grande peste a décimé un tiers de la population européenne, il reste finalement peu de traces de la pire catastrophe que le Moyen Âge ait connue. Que s'est-il réellement passé entre 1347 et 1352 sur notre continent ?


    Il apparaît que cette épidémie a été le marqueur d'une première mise en relation massive de l'Eurasie et du monde méditerranéen. L'histoire en mouvement Portée par le récit face caméra, aussi savant que vivant, de Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, cette collection documentaire met l'histoire en mouvement. Des frises chronologiques animées accueillent images, documents et archives, illustrant les dix grandes dates évoquées. En reconstituant, au fil d'une enquête captivante, ces événements inscrits dans les manuels scolaires, et en les replaçant dans plusieurs temporalités (au travers des différents calendriers), la série rend ainsi sensible la manière dont l'histoire s'écrit, se date et se commémore. Une approche nouvelle du sujet, où se croisent art de la narration, techniques ludiques d'animation et rigueur scientifique. Série documentaire de Patrick Boucheron et Denis van Waerebeke (France, 2017, 26mn)

     

    1347 : La peste noire | Quand l'histoire fait dates | ARTE
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