• Décés George A. Romero

    n

    n

    DISPARITION LE ZOMBIE, MILITANT MALGRÉ LUI
    Par Alexandre Hervaud— 17 juillet 2017 Romero a fait des morts-vivants le vecteur d’une critique de la société de consommation, en état de décomposition.
    Le realisateur George Romero sur le tournage de son film Le jour des morts vivants 1985.Le realisateur George Romero sur le tournage de son film Le jour des morts vivants 1985. Photo Rue des Archives.BCA

     Pour le télérama Au départ, ils s'en tenaient à faire peur. Puis ils se sont faits agitateurs politiques. Aujourd'hui, les zombies vont jusqu'à collaborer avec les humains.

     

    Les morts vivants règnent sur terre. Dans un bunker, une poignée de scientifiques essaye de trouver un remède ou une solution à l’invasion. Un bataillon réduit de militaires dirige cette enclave souterraine et, sous l’impulsion du capitaine Rhodes, menace les scientifiques d’arrêter leurs expérimentations. La tension monte entre les deux factions.

     1968-2009 : La saga des morts-vivants, de George A. Romero

    Le zombie passe avec Romero dans le camp des hérauts de la contre-culture et devient, dans La Nuit des morts-vivants (Night of the living dead, 1968), allégorie de la mauvaise conscience d’une Amérique encombrée par son passé génocidaire (les millions d’Indiens massacrés) et embourbée dans la guerre du Vietnam. A chaque nouveau film, Romero continuera d’interroger les mutations de son pays : la folie de la société de consommation dans Zombie (Dawn of the dead, 1978), l’impérialisme reaganien dans Le Jour des morts-vivants (Day of the dead, 1986) ou l’isolement paranoïaque post-11 Septembre dans Le Territoire des morts (Land of the dead, 2005)J.C.

    ANALYSE ET CRITIQUE

     

    Les zombies, c’est le grand retour du refoulé. D’un coup, tout ce que l’Amérique cache et enterre remonte à la surface. Une Amérique qui, tout au long de son histoire, n’a cessé de combattre ou de masquer l’ampleur de la contestation existant en son sein. Une contestation pourtant bien palpable au travers des mouvements populaires qui n’ont cessé d’ébranler le pays et dont la plus visible manifestation reste le vaste mouvement des années 60 et 70. Dans le paysage cinématographique américain, Night of the Living Dead marque en 1968 une véritable date dans l’histoire du cinéma de genre. Défendant le plus souvent des valeurs réactionnaires ou jouant sur la peur de l’invasion et de l’autre, le cinéma d’horreur est soudainement repris en main par un enfant de la contestation. Ultra violent, radical, sombre, brut et documentaire, le film marque durablement les esprits de l’époque et devient un film emblématique de la vague sociale qui secoue le pays. Pourtant, les zombies ne sont pas les symboles de tel ou tel groupe contestataire, ils représentent simplement pour Romero le besoin de changement. Figures vides, ils ne demandent qu’à être interprétés par tout un chacun. Les trois premiers films de la saga sont moins des films politiques que des films qui demandent à être politisés. Le premier volet des morts vivants est avant tout un pur film d’horreur. Sa portée critique se limite à la description de la violence des milices et le discours de Romero à la description de l’incapacité de l’homme à communiquer et agir de concert face à une menace. Avec Zombie, le cinéaste franchit un cap et affiche plus littéralement le contenu sociopolitique de son film. Cette suite, dont il a longtemps rejeté l’idée, ouvre la voie à un projet cinématographique qui consiste à dresser à la fin de chaque décennie un portrait de l’Amérique à travers un nouveau volet de la saga des morts vivants.

      

    n

     

    A la fin des années 70, les zombies de  Dawn of the Dead (comme le souligne Jean-Baptiste Thoret dans ses divers écrits consacrés au film), peuvent être perçus comme l’aboutissement de la société de consommation. Les morts vivants ne font plus que consommer, ils vont au bout de la logique capitaliste, tout comme la famille d’anciens ouvriers des abattoirs de Massacre à la tronçonneuse qui poursuivent leur travail à la chaîne avec des êtres humains une fois leur usine d’équarrissage fermée. A chaque décennie correspond donc son zombie.Extrait : Massacre à la tronçonneuse, de Tobe Hooper : Massacre à la Tronçonneuse: L'Horreur dans la Peau , Massacre à la tronçonneuse 2003 fr, Texas Chainsaw 2013 ( Full Movie English ) Intro - Massacre à la tronçonneuse : citoyen actif

    Massacre à la Tronçonneuse: L'Horreur dans la Peau


    Massacre à la Tronçonneuse: L'Effroyable Vérité

     Massacre à la tronçonneuse . Les vieilles valeurs réactionnaires sont de nouveau à la mode. C’est une époque marquée par la destruction systématique du système d’aide aux plus fragiles, c’est le « marche ou crève » érigé en force de loi, l’ère des yuppies et des golden boy. Le cinéma, après une décennie d’expérimentation et de contestation des règles établies, rentre dans le rang. Il plébiscite la politique impérialiste et les vieilles valeurs américaines, il prend sa revanche sur le passé (c’est le triomphe de Rambo II).

    Planete Terreur film complet et en français Film d'horreur et leger qui ce moque volontiers des dictates du cinéma horreur . Avec une Rose Mcgowan plus que credible et un casting d'enfer notamment la participation de Fergie des blacks eyed peas



    Romero, lui, se remet mal de l’échec de son très personnel Knightriders réalisé l’année de l’élection de Reagan. Il réalise ensuite Creepshow, hommage raté aux EC Comics de son enfance. Il produit une série télévisée, Tales from the Darkside, sorte de Twilight Zone qu’il imagine comme un laboratoire où de jeunes réalisateurs (issus de son entourage : Tom Savini réalise deux épisodes, Michael Gornick trois…) pourraient faire leurs preuves. L’expérience, qu’il pensait comme une opportunité pour sa société Laurel Entertainment de renouveler son vivier d’auteurs, est un échec cinglant suite au désistement des financeurs.

    Dans le cinéma d’horreur, le gore n’a plus la valeur contestataire qu’il possédait dans les années 70. Il est revenu à sa fonction première de spectacle grand guignol, successions de gimmick visuel jouant sur le comique et le dégoût (Evil DeadStreet TrashRe-animator…).

    A voir et lire Street Trash est un film américain réalisé par Jim Muro, sorti en 1987.Wikipédia Un alcool frelaté fait fondre ou exploser les personnes qui en boivent. Street Trash Réalisé par Jim Muro (1987) Street Trash 1987 ( Full Movies English ) Street Trash 1987 Legendado Completo , Film d'horreur Re-Animator Réalisé par Stuart Gordon (1985) 

    Le film donnera naissance à une trilogie et aura une influence considérable sur le genre. Son déluge de sang engendrera, en 1992, le Braindead  ( film completde Peter Jackson ( Scènes Cultes  . Son regard corrosif sur le milieu médical inspirera, au milieu des années 1990, Lars von Trier pour sa série L'Hôpital et ses fantômes - Bande annonce

    Romero rêve de son côté d’un ambitieux film de zombie qui mettrait en scène des affrontements dantesques entre des armées de morts vivants et les survivants humains. Dans ce projet initial, les hommes vivent repliés dans des zones militarisées tandis que les élites bénéficient de bunkers sous terrains. Dans les camps en plein air, la misère, la prostitution et la drogue sont le lot quotidien des survivants (cette idée sera reprise dans le quatrième volet, Land of the Dead). Les scientifiques essayent de trouver une solution à l’invasion et subissent la pression des autorités militaires et de ceux qui, sous terre, vivent dans l’opulence et ont imposé un gouvernement fascisant. Dans une des versions du scénario original, les scientifiques parviennent à contrôler les zombies et les utilisent comme chair à canon contre leurs congénères, élément qui reprend la conclusion, finalement écartée par Romero, de La Nuit des morts vivants.

      

    Le film s’ouvre sur un groupe d’humains qui sillonne les ruelles d’une ville de Floride à la recherche d’éventuels survivants. Ce qui s’offre à eux est un paysage d’apocalypse.

    "Outre l’angoisse que diffuse cette scène impressionnante, Romero s’amuse en quelques images à dresser un état des lieux de la société américaine : un zombie dans un cinéma tenant un rouleau de tickets à la main, un crocodile qui surgit d’une banque, un mort vivant assit dans la position d’un mendiant tenant son casque de militaire à la main, des liasses de billets qui s’envolent. Quelques instantanés, et les années Reagan sont là : marchandisation à outrance (notamment du cinéma), suprématie des yuppies et de la bourse, destruction sans précédent des programmes d’aide sociale. Le monde dévasté que nous présente Romero pourrait tout aussi bien être le produit de la politique américaine que celui de l’invasion des morts vivants. Mais nous sommes dans un film fantastique et ce prologue nous fait découvrir une terre ravagée où les humains ont cédé la place aux zombies. Les morts, les enterrés, marchent à la lumière du jour tandis que les humains se terrent dans des tombeaux. L’humanité a perdu le combat et n’a plus d’autre possibilité que de découvrir comment faire avec ce nouvel ordre des choses. Il est impossible de lutter contre la présence des zombies, d’éradiquer la menace et il faut, pour survivre, réinventer une nouvelle société en adéquation avec un monde qui n’a plus rien à voir avec l’ancien."

    NIGHT OF THE LIVING DEAD (FULL) - YouTube :  :This is the full length version of the George Romero Classic.
     
     

     

    Comme dans La Nuit des morts vivants et Zombie - romero  (mais on pourrait citer la plupart des films de Romero) les héros se trouvent confrontés à une transformation de leur environnement qui les poussent à se replier sur eux-mêmes, que ce soit identitairement ou physiquement. Ce repli ne peut être une fin en soi mais les personnages peinent à le comprendre. Dans chaque épisode de la saga, les humains investissent un espace qu’ils pensent pouvoir contrôler et garder vierge.

    cet étalage de violence n'est pas gratuit. D'abord, le thème du camp retranché, sorte de Rio Bravopostmoderne, est la garantie d'une indéniable efficacité narrative.

     Ensuite, le discours de Romero devient parabole politique : le grand centre commercial périurbain, symbole de l'Amérique d'aujourd'hui, devient le microcosme d'une société de consommation décervelée. Qui sont les morts-vivants ? Les zombies ou les acheteurs ? Par sa violence, ses emprunts au pur genre horrifique, le film se coupe d'une partie du public. Mais Zombie tient aussi d'une expérience troublante, et tout sauf sotte.

    Film d'horreur Zombie (version réalisateur) Réalisé par George A Romero (1978)

    Et même lorsque les faits leur ont prouvé l’inanité de cet espoir, les survivants conservent l’idée qu’il y a quelque part un Eden : une île dans Zombie, le Canada dans Land of the Dead. Bâtir un sanctuaire est pourtant inutile si les vieux réflexes subsistent, si les occupants ne sont capables que de reproduire un modèle de société hérité d’un temps révolu, si au lieu d’imaginer des utopies ils recyclent des mécanismes obsolètes. Les survivants sont des morts qui s’ignorent.

    Une dénonciation corrosive d'une Europe et pays inbdustrialisé arc buté derrière ses morts, menacés non plus par les zombies, mais par les réfugiés frappants a leurs porteTRAFIC D'ALIMENTS DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS : ENCORE 40 VICTIMES À CHIOS Afficher la suite

    L’image contient peut-être : 1 personne
     

    Des enfants terrifiés à l’idée de se noyer dérivent en ce moment même sur des épaves rouillées en pleine Méditerranée, fuyant la guerre et la faim.

     

    Land of the Dead Full Movie

    Avec ce long-métrage, "j'ai commencé quelque chose dont je n'ai jamais pu m'échapper. Dont je n'ai jamais voulu m'échapper !", confiait George A. Romero dans les notes de production de "Land of the Dead", sorti en 2005, qui s'inscrit dans sa saga dédiée aux morts-vivants.

     George Romero creates a harrowing vision of a modern-day world where the walking dead roam a vast uninhabited wasteland and the living try to lead “normal” lives behind the high walls of a fortified city. A new society has been built by a hand of ruthless opportunists, who live in luxury in the towers of a skyscraper, high above the less fortunate citizens who must eke out a hard life on the streets below. With the survival of the city at stake, a group of mercenaries is called into action to protect the living from the evolving army of the dead waiting outside the city walls.

     

    une véritable intrigue, au-delà du perpétuel conflit vivants/morts. Dans un futur indéterminé, Fiddler’s Green est une tour luxueuse, qui abrite une élite richissime, sous la férule de son leader Kaufman. Celui-ci est parvenu à isoler du monde infesté de morts vivants un territoire qu’il protège grâce aux soins d’une milice. Autour, séparé des créatures par un bras de fleuve, survit une humanité pauvre, employée comme petite main par Kaufman. C’est parmi cette cour des miracles que sont recrutés les membres des commandos qui organisent des raids dans les villes tenues par les morts. Alors que l’un des mercenaires, mécontent du mépris que lui témoigne Kaufman, décide de dérober le camion surarmé dont se servent les commandos pour menacer Fiddler’s Green d’une pluie de feu, l’un des morts, cousin de Bub du film précédent et plus éveillé que les autres, décide de mener la horde des morts vers la cité insulaire.

    Le scénario fonctionne selon un principe de balance: tandis que les morts gagnent rapidement une clarté d’esprit relative, mais suffisamment présente pour leur permettre des démonstrations de fraternité et de désir de revanche, les humains plongent toujours plus profondément dans les travers matérialistes dénoncés dans la saga.

     

    Engoncée dans un luxe obscène par lequel elle se voile le regard, occultant un monde extérieur qu’elle opprime, exploite et redoute en même temps, la ville apparaît comme la jumelle métaphorique de l’Occident, et surtout des États-Unis dans le monde post-11-Septembre. Comment ne pas penser à l’assaut sur Bagdad, lorsque les miliciens du pouvoir débarquent dans les villes hostiles, où chacun peut être un agresseur potentiel, cachant leur terreur d’un milieu hostile derrière des armes ultra-perfectionnées? Ou encore, lorsque Dennis Hopper lâche avec une morgue inimitable «on ne négocie pas avec les terroristes!», citation exacte du cow-boy de la Maison Blanche?

    Le même Dennis Hopper, qui joue selon ses propres termes un clone de Donald Rumsfeld, lance «vous n’avez aucun droit!», en voyant sa précieuse ville-bunker tomber aux mains des morts. Plus que jamais Cassandre d’un monde en décrépitude, Romero brandit avec audace face à l’Occident le constat de son comportement hégémonique et méprisant, hérité d’une mentalité colonialiste. . Les morts sont parvenus à leurs fins, et tiennent la ville. Riley, le chef des mercenaires, qui choisit de chercher la solitude, pourrait détruire la ville, y enterrant les morts et les derniers vivants. Il y renonce: «ils cherchent seulement un endroit où vivre…»

     

    Ce réalisme tient aussi à la mise en scène de Romero, sobre, discrète et d’une efficacité jamais prise à défaut. Ce réalisme se ressent dans la façon dont le cinéaste gère admirablement l’espace sous terrain.

     Seulement un mauvais rêve ? : citoyen actifSeulement un mauvais rêve ? - l'indigné

    Dans Dawn of the Dead, les quatre fuyards, une fois qu’ils se sont emparés du centre commercial et l’ont sécurisé, s’ennuient. S’ils s’amusent au départ de ce paradis de la consommation, rapidement ils ne ressentent que du vide face à ce qui leur semblait être un terrain de jeu infini. Bientôt ils ne font plus qu’imiter le bonheur, la vie d’avant. Ils s’épuisent car ils sont incapables d’inventer autre chose. Refusant le monde tel qu’il est, ils en appellent à des images du passé, a priori réconfortantes mais qui les empêchent d’avancer. Dans Le Jour des morts vivants, les quelques survivants réfugiés dans le bunker sont tout aussi incapables d’imaginer une société en accord avec la transformation radicale du monde dont ils sont les témoins. Ils ne parviennent pas à dépasser leurs réflexes identitaires pour simplement communiquer, ce qui, exactement comme dans La Nuit des morts vivants,  (voir The Crazies), sombrent dans le fascisme. Sous Reagan, les films d’action virils abondent, tout à la gloire de la puissance masculine et du bellicisme. Le Jour des morts vivants est la réponse radicale de Romero à cette dérive réactionnaire du cinéma hollywoodien.


    De film en film, Romero dresse un portrait effrayant des Etats-Unis, de son incapacité à appréhender l’autre, d’inventer des modèles de solidarité qui dépasseraient les statuts sociaux, ethniques ou religieux. Il montre que même au pied du mur, son pays est incapable de se repenser.

    nLe bunker de Day of the Dead, dernier refuge d’une humanité en voie d’extinction, conserve en son sein la mémoire des institutions du pays : des monceaux de dossiers, d’études, de recensements… autant de documents devenus inutiles

     

    . Le bunker (espace qui fait également écho à la peur du nucléaire en cette période de guerre froide) est un mausolée en l’honneur d’une société disparue. Dès l’ouverture, on sait que la civilisation telle qu’on la connaît n’existera plus. La ville est désertée, les façades des magasins éventrées, des journaux et des liasses de billets sont emportés par le vent… argent, consommation, média, tout est foulé aux pieds par les zombies. Le mouvement amorcé dans Night of the Living Dead a emporté l’humanité jusqu’à un point de non retour, et ce malgré le fugace espoir entrevu à la fin de Dawn of the Dead.

     .(...). Si l’intérêt premier de Romero tient toujours dans l’observation des réactions humaines face au danger, l’humanisation des zombies opère un basculement dans la série et ouvre de nouveaux chantiers de réflexion pour leur auteur. Les expériences menées sur les zombies nous frappent par leur inhumanité et Romero joue finement sur notre capacité d’empathie, sur notre compréhension, notre acceptation de l’autre.

    The World, the Flesh and the Devil - YouTube

    Romero s’amuse avec l’image du savant fou des films de science fiction des 50’s pour caractériser le personnage de Logan (Zombie faisait aussi référence à un petit classique des années 50, Le Monde, la chair et le diable) Le Monde, la chair et le diable est un film de science-fiction américain réalisé par Ranald MacDougall en 1959. Wikipédia.

     Romero réserve également aux autres zombies un traitement qui les rend véritablement poignants. Cette approche, inédite dans la série, fait que les scènes de dévoration, au-delà du dégoût qu’elles inspirent, provoquent en nous un étrange sentiment de compréhension.

     

    Ces scènes sont filmées de manière frontale. Elles ne visent pas à créer de la peur, elles jouent sur nos attentes de spectateurs. Révulsé, on est tenté de détourner le regard, mais ces scènes, forcément attendues après Night et Dawn, on ne peut que les contempler. Si Romero les avait utilisé pour susciter la frayeur, pour créer du suspens, de fait le spectateur aurait pu s’en détourner. En les débarrassant de leur tension potentielle, Romero nous colle le nez dedans. Dans la saga des morts vivants, la mort se doit d’être omniprésente, elle ne peut être cantonnée à un gimmick, une figure de style ou un effet dramatique. Elle doit faire corps avec le film. Le gore fait partie intégrante du projet artistique de Romero. C’est bien sûr une réaction à l’hypocrisie du cinéma hollywoodien, royaume de la mort aseptisée et ludique. C’est aussi et surtout l’émanation de l’hypocrisie de notre société. Le gore montre ce que l’on garde habituellement caché et de ce fait porte la parole de tous ceux qui n’ont pas droit de cité. Le gore est un moyen de crier ce qui est tu. Chez Cronenberg, l’usage du gore lui permet de montrer sans fard la maladie, la vieillesse, il nous rappelle que nous ne sommes que chair et tissus. Chez Romero, c’est la décrépitude de la société qu’il permet de mettre en avant.

     Les vivants se vident de tout affect tandis que les morts, via Bub, s’en chargent. Les couloirs se ressemblent donc tous, les couleurs sont fades, l’ambiance clinique. En quelques minutes, le spectateur sait se repérer, il connaît l’emplacement des laboratoires, du mess des officiers, de la caravane où vivent à l’écart le pilote et le radio, des grottes infestées de zombies. Il a en tête une cartographie complète de l’espace. Une fois que l’on a prit possession des lieux, que nous les parcourons de manière naturelle avec les personnages, alors Romero peut faire surgir l’horreur et dévaster cet espace devenu familier. 

     

    Romero réalise une œuvre radicale, glacée. Il ne fait plus appel à l’ironie, au suspens, à l’humour ou au grotesque comme dans ses précédents opus. Les relations de couples ne sont plus charnelles et les rapports entre les personnages ne dégagent plus aucune émotion. Les humains sont aussi exsangues que les zombies.

     Pour Romero le gore n’est pas un gadget, c’est un projet de cinéma, un projet politique, c’est l’essence même de sa saga. La première partie du film est quasi dénuée de tout effet horrifique. C’est un modèle de drame psychologique, d’une incroyable intelligence et d’une pertinence rare dans la description des rapports humains.

    Contrairement à bon nombre de films d’horreur, les réactions des survivants ne sont jamais prises en défaut de crédibilité. Chaque personnage suit sa logique, jusqu’à ce que celle-ci soit battue en brèche par la réalité. Il y a une véritable complexité à l’œuvre dans la description des personnages. Ainsi Rhodes, ordure fasciste, est parfois le plus sensé du groupe et Sarah se révèle souvent confuse et illogique dans ses réactions (Déjà dans La Nuit des morts vivants, Romero montrait Harry, héros rationnel et efficace, entraîner le groupe à sa perte en l’obligeant à préserver tout l’étage de l’attaque des zombies si bien qu’il donnait raison à Ben, le pleutre, de vouloir se cantonner à la cave). Des rôles extrêmement bien écrits qui jouissent de plus d’une interprétation exemplaire. On retrouve au casting (dirigé par Christine Romero) l’incontournable acteur romerien John Amplas, mais aussi plusieurs interprètes déjà croisés chez le cinéaste comme Taso N. Stavakris (Knightriders), Richard Liberty (The Crazies : Bande-annonce), Anthony Dileo jr. (Knightriders) et Joseph Pilato (Dawn et Knightriders).

     The Crazies, ou Les Détraqués au Québec, est un film américain réalisé par Breck Eisner, sorti en 2010. Il s'agit d'un remake du film La Nuit des fous vivants, sorti en 1973 et réalisé par George A. Romero. Wikipédia : 

    a seconde partie du film laisse la place au gore, mais cette dichotomie ne crée pas un clivage dans le film, elle répond par l’imagerie horrifique à tous les enjeux soulevés dans la première partie. Si le film offre alors des scènes parmi les plus choquantes jamais tournées, la froideur clinique avec lesquelles elles sont offertes interdit tout sentiment de jouissance au spectateur.

     

    Cette vision du gore associée à la profusion des dialogues et à la tendance du cinéaste à privilégier les moments en creux fait du Jour des morts vivants un film totalement hors norme, inclassable, qui dérouta à l’époque les amateurs du genre et provoqua un rejet quasi unanime de la presse ciné. Le film est un nouvel échec public et critique pour Romero. Le cinéaste est certes coutumier du fait, mais c’est la première fois que le public rejette un épisode de sa saga des morts vivants. Animé par la certitude qu’il est possible d’offrir des films fantastiques intellectuellement stimulants, Romero se prend de plein fouet d’un côté le conservatisme étouffant des fans de cinéma de genre et de l’autre subi l’insupportable hiérarchisation culturelle de la presse installée. En France, il faut attendre encore quinze ans et la rétrospective de la Cinémathèque Française qui lui est consacrée en 2001, pour voir enfin l’œuvre de Romero reconnue par l’intelligentsia. Mais le mal est fait depuis longtemps. 

     

     

     

    Tourné après Day of the Dead, l’admirable Monkey Shines est un nouvel échec critique et commercial et Romero poursuivra sa traversée du désert jusqu’en 2005 et Land of the Dead. Signe des temps, ce quatrième volet au discours lourdement appuyé est un film quasi unanimement salué par la presse. On peut légitimement regretter que l’égard dont bénéficie désormais Romero ne soit pas survenu au moment de la sortie du Jour des morts vivants, film autrement plus stimulant, intelligent, radical et dérangeant que son piètre descendant.

    Rappel

    1943 : Vaudou, de Jacques Tourneur

     
    n2002 : 28 Jours plus tard, de Danny Boyle
     

    2013-2014 : In the flesh, de Dominic Mitchell

     

    Prémices à Blade RunnerNouveau Modèle -adapté au cinéma sous le nom de Planète Hurlante-, angoissant et paranoïaque, interroge déjà sur ce qui fait l'humanité. Qui est humain? Et qui se fait passer pour humain? 

     n Alors que les scientifiques s'inquiètent du développement "d'armes autonomes" ou d'intelligence artificielle porté par les militaires, L'Express propose une sélection des films et livres que ces derniers devraient connaitre avant de franchir la ligne.

     

    >> Lire aussi: "Intelligence artificielle" militaire: pourquoi les scientifiques s'inquiètent 

    Terminator, les robots-tueurs contrôlés par Skynet

    Terminator 2: Judgment Day - The Resistance vs Skynet (Opening Battle of Movie) 1080p

     

    Le seul moyen d'éviter ce scénario apocalyptique serait alors de ne jamais créer d'I.A. offensive ni, évidemment, "d'armes autonomes" ou entièrement informatisées, comme les robots ou les drones. Un conseil que les militaires ne prennent apparemment pas en compte aujourd'hui. Les Marteaux de Vulcains, paru en 1960, imagine u

    Robots-tueurs: ces oeuvres de science-fiction que les militaires ...

    LIRE AUSSI
     

    Politique des zombies, l'Amérique selon George A. Romero sous la direction de Jean-Baptiste Thoret

    Dossier : La Saga des morts vivants de George A. Romero - critikat.com

    George A Romero's Land of the Dead | Culture | The Guardian

    Les zombies, ces morts qui vivent avec leur temps - Télévision ...

    Le zombie, militant malgré lui - Culture / Next - Libération Next

    [Top] Films de zombies : le must pour briller en société ! - Vie de Geek

     Décés George A. Romero"The Walking Dead' est une sorte de soap, dur et brutal"Message caché des films " d'horreurs ou d'épouvantes"Jean Christophe Rufin pour son livre Globalia"Zombiland ou les les gestes inconscient "


    Tags Tags : , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :